La registration

En musique classique et spécialement en musique d'orgue, on appelle registration l’ensemble des jeux que choisit l'organiste en fonction du morceau qu'il veut interpréter. Il actionne pour cela les tirants de registre, qui se présentent généralement sous la forme de manettes coulissantes placées de part et d'autre des claviers. Traditionnellement, dans les pièces d'orgue écrites par les compositeurs français de la période baroque, la registration est précisée pour chaque pièce.

On appelle également registration l'art de choisir et de mêler les jeux (ou registres). En effet, la particularité de l'orgue étant d'offrir une grande variété de timbres différents (les jeux) et un nombre considérable de combinaisons, en l'absence d'indications de registration sur la partition, ou dans le cas d'une improvisation, l'organiste choisit sa registration selon plusieurs critères qui relèvent de son art : la tradition, les possibilités de l'orgue, le caractère, le style et l'époque de l'œuvre, et surtout la lisibilité acoustique. Certains mélanges sont heureux et naturels, d'autres le sont moins et sont désagréables à l'oreille. Il faut donc les connaître tous et les maîtriser, ce qui justifie que la registration soit considérée comme un art.

C'est essentiellement en France au cours du XVIIe, que la registration a été codifiée et presque “normalisée”. Les compositeurs français de cette époque indiquaient souvent de manière très précise les registres à utiliser pour une exécution de leurs œuvres conforme à leur idée. Ainsi, Jacques Boyvin explique la registration classique dans son ouvrage intitulé Le Mélange des jeux selon Jacques Boyvin, publié en 1690.

La registration dans l'orgue classique allemand

L'orgue construit par Daniel Kern à Saint-Thibaut suit l'architecture de la facture allemande.

Blockwerk

Ensemble des Principaux, Mutations et Mixtures utilisés en polyphonie soit pour accompagner les chants liturgiques, soit pour leur répondre. Ce mélange remonte aux origines de l'orgue baroque allemand.

Plenum

Ensemble des Fonds et des Mixtures, utilisé pour le contrepoint et la polyphonie. Les Mixtures allemandes étant plus aiguës que les Mixtures françaises, elles offrent plus de souplesse pour le compositeur en favorisant la virtuosité et la clarté de chaque voix d'un contrepoint. Il existe traditionnellement deux types de plenum :

LE PLENUM DE 8 : Aux manuels accouplés ou non, on met les fonds 8, 4, 2 (et les jeux de 1 pied s'ils existent), ainsi que les Mixtures. Les Fonds concernés sont les Principaux, les Bourdons et les Flûtes. On ne met pas les Gambes ni les Salicionals. On peut aussi limiter le plenum aux seuls Principaux et Mixtures (on rejoint alors le principe du blockwerk). À la Pédale, on met les Fonds de 16 et les tirasses. Dans une fugue, on met traditionnellement une anche douce de 16 pour donner plus d'appui aux basses ; on choisit généralement un Sordun, une Ranquette ou une Dulciane. Sauf si le plenum des manuels est puissant, on évite le Basson ou la Bombarde.

LE PLENUM DE 16 : aux manuels accouplés ou non, on met les Fonds (sauf les Gambes) 16, 8, 4, 2, 1, ainsi que les Mixtures et la Sesquialtera. À la pédale, on met les Fonds 32 et 16 et les tirasses, ainsi qu'une anche douce de 16. Le plenum de 16 est déconseillé si l'on n'a pas un jeu de fond de 32 à la basse. Le cas échéant, on peut aussi mettre une anche douce de 32 (Sordun ou Ranquette).

PLENUM PAR LES ANCHES : Il s'agit d'un mélange puissant, destiné à des pièces de grande tenue comme les toccatas. Il consiste à tirer les Fonds, les Anches et les Mixtures, les accouplements et les tirasses. La pédale doit toujours sonner une octave en dessous des manuels : 8 pieds aux manuels => 16 pieds à la pédale; 16 pieds aux manuels => 32 pieds à la Pédale.

Ces formules classiques sont idéales pour jouer les grandes pièces de Buxtehude ou de Bach. L'organiste les adaptera en fonction de l'instrument et de la complexité (nombre de voix simultanées) de l'œuvre à interpréter.

Utilisation du plenum

Dans la Messe Luthérienne, sur la base de la registration du Plenum, Bach porte trois types d'indications.

L'indication pro organo pleno (Prélude et Fugue de la Trinité) suppose le pédalier avec tirasse ainsi que les claviers accouplés joués en alternance, c'est-à-dire avec changement de clavier.

L'indication con organo pleno (Kyrie, Gott heiliger Geist) suppose les accouplements, mais sans aucun changement de clavier.

L'indication in organo pleno (Wir glauben all... et Aus tiefer Not...) suppose l'utilisation du seul clavier principal sans accouplement et du pédalier sans tirasse.

Effets pleins et effets creux

Est appelé effet plein celui qui est formé par la réunion de jeux de même hauteur ou dans lequel un Diapason domine puissamment, par exemple, les Principaux, Flûtes et Bourdons de huit pieds. Si l’on ajoute un Diapason de 4 pieds, le résultat s'avère plus brillant, mais perd en rondeur. On peut y ajouter des jeux de 16 pieds pour grossir l'ensemble. Les jeux de 2 pieds sont préférés pour être réservés à des fins de mélanges creux ou pour jouer avec les anches. Les jeux d'anches de la famille des Trompettes en 16, 8 et 4 pieds sont considérés comme des mélanges pleins.

L'effet creux est obtenu par réunion de jeux éloignés par leur hauteur, ainsi une Doublette (2') avec un Bourdon (8') par exemple, ou leur nature, comme le Quintaton et les jeux très étroits qui éveillent en l'auditeur la douzième, c'est-à-dire la Quinte de l'octave supérieure (Spitzquint 1 1/3). L'effet creux est original et saisissant, il permet de rompre la monotonie des combinaisons pleines. Sont considérées comme des effets creux, les registrations des anches dont le résonateur est à demi ou quart de hauteur d'un tuyau de fond équivalent comme les Clarinettes et Cors anglais. Les mélanges creux sont utilisés en solo avec un accompagnement plein.

© Patrice Launay